Une séance de lecture peu ordinaire

Article : Une séance de lecture peu ordinaire
Crédit:
27 mars 2017

Une séance de lecture peu ordinaire

Avenue Kwamé Nkrumah, Il est 20h30.  A côté d’une station Total, Eric m’attendait un livre d’illustrations sous le bras. Nous avions rendez-vous avec un public assez particulier. Quelques jeunes patientaient assis sur un banc. Des adolescents plutôt. Certains en sueur, pieds nus, tenues négligées, d’autres proprets, en tenues correctes. Des salutations chaleureuses, des poignées de mains par-ci, des plaisanteries par-là. Les sourires échangés, on en oublie presque la chaleur et le ronronnement des moteurs provenant de la circulation. Nous sommes dans l’univers des « enfants vivants dans la rue ».

De la lecture pour alléger leur quotidien 

Ces jeunes, délaissés ou ayant quitté leurs familles qui quémandent ou font de petits travaux pour survivre et qui le soir venu, se retrouvent par groupe pour dormir dans la rue. Les mercredis, Eric, bénévole d’un mouvement qui lutte pour l’éradication de la misère, les retrouve pour une séance de lecture. De quoi leur donner un peu de sourire et attirer leur attention sur d’autres réalités.

Attirés par le livre d’illustrations, ils l’arrachent à Éric et le feuillettent. Après avoir satisfait leur curiosité, ils demandent à Éric d’expliquer les images qui défilent sous leurs yeux. Habitué, Éric prend la parole en Mooré et raconte l’histoire page par page sous le regard éberlué de son public. Sur leurs visages se lisaient de la curiosité, de la joie. Des sourires se dessinaient sur les lèvres desséchées ensuite les rires et enfin la déception. La fin de l’histoire n’a pas fait l’unanimité. S’engage alors une discussion, chacun donnait son avis sur les personnages du livre.

« Moi, disait Kader, un jeunot d’une dizaine d’années, si j’avais l’occasion de faire des vœux, je demanderais à voir Dieu et ensuite à être roi.  » 

La séance terminée, certains demandent une pièce d’argent pour manger mais il ne faut rien donner pour ne pas les encourager à ce style de vie. C’est la règle…

Confrontés à tous les dangers…

Direction un  autre endroit de la ville.  En route nous remorquons quelques-uns jusqu’à l’endroit où doit se dérouler la lecture. Quelques-uns dormaient déjà, en position fœtale à même la chaussée. La séance se passe mal.  Une bagarre a éclaté . Du sang suintait… Personne n’est intervenu pour les séparer. Il ne faut pas se mêler de leur bagarre, c’est la règle…

Dans un autre quartier général, certains sont couchés sur des cartons derrière des camions dans un lieu jonché d’ordures. Ils n’étaient pas disposés à suivre la lecture. Une dure journée, rien à manger et quelques-uns étaient défoncés à vue d’œil.

Direction Matata, l’un des maquis les plus populaires de la capitale Ouagalaise, un lieu réputé pour ses professionnels de sexes et pour sa chaude ambiance. Les enfants y étaient, occupés à ramasser les restes de repas laissés par des clients.  Là aussi la lecture était le moindre de leur soucis. L’un d’eux, Arouna, un adolescent, nous raconte que ses camarades sont occupés et que le lendemain lui il irait voir une course de chevaux. Il nous confie que sa passion c’est prendre soin des chevaux et il veut en faire un métier. Sa famille vit à Ouaga. A la question de savoir pourquoi il n’est pas à la maison, il répond par un sourire.

Comme Arouna, Kader et tous les autres, ils sont des milliers d’enfants confrontés à la dure réalité des rues de Ouagadougou, proies des prédateurs de tout genre. Drogue, violences, prostitutions, exploitation, trafic etc.

 

Partagez

Commentaires